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28 novembre 2009 6 28 /11 /novembre /2009 13:40

« Ben j’avais envie de descendre dans l’aven du Plan des Vaches cet après-midi. Si t’as du temps ? » me dit Fred l’autre matin.

Depuis que j’ai envie d’aller voir ce qui se passe là-dedans et que je n’ose pas toute seule…


Alors je prépare mon sac à dos. N’oublions rien, la lampe, la petite bouteille d’eau, un paquet de mouchoirs, mon couteau pointu est là, mais qui m’a soufflé mon sifflet ? Encore un coup de Rayon de Soleil… Le treillis, le gros pull, l’écharpe, les mitaines, EOS1000D et deux objectifs, le 55 et le 300. Je me sens une vraie randonneuse, là…

A l’heure et au lieu dits, voilà Fred coiffé de son bonnet rouge de commandant Cousteau. Je monte dans sa voiture, un objet est posé par terre : « tiens, un pied photo… »

 

En cheminant, on parle de la géologie du massif, parce que je me demande ce que c'est que ce poudingue en dessous le long du chemin qui longe la source de Ducros. Fred m’explique le Plan des Vaches, qui était autrefois plus haut de 400 mètres et par là la partie émergeante de la Sainte Baume.  Ca s'étendait assez loin, me dit-il, on en trouve du côté de Trets. Je lui demande si des légendes de sorcières ont couru à propos de ce plateau. « J'en connais pas ». La déformation du nom doit donc faire date. Car « Plan des Vaches » serait une déformation de « Plan des Masc ». Une masc étant une sorcière en patois provençal. Je suis déçue, j’aurais bien imaginé des histoires fantastiques avec des envolées sur des balais. Le décor s’y prête bien, dédale de sentiers au milieu de pierres blanches dressées, un vent de furieux qui souffle presque en permanence...



On arrive au bord de l’aven. Il n’est pas tellement large, on pourrait passer tout près sans se rendre compte de sa présence. Fred se débarrasse de son grand sac à dos, et j’entrevois toute une panoplie qui n’a rien à voir avec mon sifflet et mon couteau pointu. Il en extrait deux casques de spéléo et une corde, puis entreprend de chercher un point d’ancrage.

 

Le bonnet de Clair de Lune enfoncé jusqu'aux yeux, je regarde le paysage venté, et je pense inévitablement à la station photovoltaïque. Fred doit penser à la même chose. Et tout en préparant la corde, il évoque un problème auquel je n’avais pas pensé : celui de l’évacuation des eaux de pluie. « Tu sais le sol deviendrait imperméable, et il faudrait faire ruisseler l’eau jusqu’au bord du plateau. Alors vers l’est, vers l’ouest ? Comment ? » J’imagine le torrent généré s’échapper en cascade du haut de la barre rocheuse dans les pierriers. Et je pense à la source de Ducros juste en dessous. Asséchée.

 

Allons, on descend. Au début c’est presque aussi pratique qu’un escalier. Mais ça se termine très très raide et je finis ma descente assez peu gracieusement en dégringolant lourdement sur le sol humide.

 


Un lierre magnifique court sur un sol en pente raide, et des arbres ont poussé, attirés vers la lumière. Fougères de différentes variétés. La température est douce dans la grotte. Sacs au sol, on ôte bonnets et vestes, et on sort les appareils photo. Puis on descend jusqu’au fond du gouffre. Je pose quelques questions sur la topographie des lieux. Pourquoi ce mur de soutènement en pierres sèches ? « Ca date des fouilles de la grotte, cette partie-là a été fouillée. »

 

En bas à droite un petit boyau : on s’engouffre là dedans. Ca monte, je n’y vois rien. Fred est quelques mètres devant moi équipé de sa lampe frontale. J’aurais dû prendre la mienne aussi, ma jolie petite lampe rose à LED offerte par Clair de Lune ne fait pas le poids, et je dois souvent en tourner la manivelle pour la recharger, ce qui fait rire Fred « C’est quoi ce bruit ? ». Pendant que je tâtonne du bout du pied, il a déjà grimpé deux mètres plus haut par un boyau sur ma droite. « Fais gaffe au fond il y a un trou plutôt profond. Et ici ça descend jusqu’à 60 mètres. Attends, écoute le petit caillou… » bing, bing, bing…

 

 « Tiens il y a un squelette d’oiseau, là. Un gros oiseau, d’ailleurs. Une poule ? Comment elle est arrivée là ? » dit Fred en riant et en brandissant un os d’une bonne dizaine de centimètres. « Tu es sûr que c’est un oiseau ? » « Ben oui les os sont creux. » « Ah bon, les oiseaux ont les os creux ? » « Oui, pour être plus légers. Avec des os pleins ils ne pourraient pas voler tu comprends. Ils seraient bien trop lourds. » Si Icare avait su ça...

 

Je sors du boyau pour retourner dans la grande salle et Fred reste perché sur son rocher. Sa lampe éclaire violemment de mon côté (Mais c’est quoi les piles de ta lampe ? Nettement plus efficace que ma manivelle et les LED) et j’admire les couleurs de la roche : gris, jaune pâle, ocre rouge, on les retrouve souvent dans les entrailles de la Sainte Baume. Des strates horizontales, des stries verticales, le temps, l’eau et le calcaire ont artistiquement décoré murs et plafond.

Le halo de lumière découpe des ombres mouvantes dans les reliefs de la roche, et je vois des formes fantastiques apparaître et disparaître.

 

Pendant que je rêvasse, Fred passe le plafond au peigne fin. Soudain il trouve ce qu’il cherchait. Une toute petite forme conique à l’aspect soyeux est accrochée la tête en bas par de délicates petites pattes. Une chauve-souris. La lampe rouge de l’appareil photo de Fred clignote. Je sors l’objectif de 300 mm et je retiens mon souffle pour ne pas bouger. La mise au point n’est pas évidente dans le noir. Pas simple non plus de viser Miss Chauve-Souris les bras en l’air, c’est plus facile de faire une macro des fougères. J’ai peur que lassée par notre mitraillage lumineux elle ne s’envole. Mais elle est patiente notre chauve-souris, ou alors elle dort très profondément. Ou alors… « Non, me dit Fred, je viens de la voir bouger »


 « Tu crois qu’il y en a d’autres ? » « Faut chercher les crottes ». Le nez rivé par terre, à l’aide de ma lampe rose, j’explore avec application.


« A ton avis, c’est une limace ou une crotte, ça ? »

Ca a bien la forme d’une limace, mais je parierais sur une crotte. On dit une "laissée" je crois. Toute sèche. Fred l’éparpille. Au contenu de leurs déjections on peut essayer de deviner de quel animal il s’agit. Là je dirais un petit mammifère carnivore, une martre. Pas à cause du contenu de la crotte, que je ne parviens pas à identifier, mais plutôt parce que la petite bête a dû déposer sa virgule perchée sur un caillou voisin, et j’ai déjà vu une martre faire ça. Mais je ne suis pas très sûre de moi, ce pourrait être une genette, ou une fouine ?

 

Un trou en bas de la paroi, avec des initiales peintes en bleu. « Ca a été dégagé, là ». La terre couleur ocre a été remuée, on dirait qu’un chien à la poursuite d’un lapin est passé par là. Fred s’accroupit et observe.

Je me demande combien de secondes il va résister avant de céder à l’envie de plonger là-dedans tête la première. Je compte jusqu'à deux. Ca y est je ne vois plus que ses pieds. Puis plus rien. « Il y a une salle ? »

« Moui, mais petite. Pas vraiment une salle ».

J’en conclus qu’on doit juste pouvoir s’y tenir assis. Peut-être pas.

 

 

Des gouttes d’eau sourdent du plafond. Je ne peux m’empêcher de toucher. Ne jamais toucher la goutte d’eau. La stalactite se constitue (N’oublions pas que les stalagMites Montent et les stalactiTes Tombent) à partir de l'infime dépôt de calcaire d'une goutte d'eau, et si on essuie la goutte d’eau, elle va mettre du temps à se reformer. En observant la stalactite par en-dessous, on aperçoit nettement le tube en formation.

 

Je regarde ma montre. Voilà une bonne heure qu’on examine, qu’on photographie, qu’on explore, et il serait temps de rentrer au Plan.  On remonte la pente humide et glissante par le petit sentier jusqu’au bas de la roche. La corde nous attend. Fred y installe une poignée, de celles qui remontent toutes seules. Il n’y a que trois mètres quasi verticaux à franchir. Je cherche mes prises d’une main, l’autre cramponnée à la poignée magique. Je vais me louper la première fois, mais je finis par grimper, assez peu académiquement j’en conviens, et j’arrive en haut sans trop de mal.



 

Dehors, Fred replie la corde soigneusement. Je marche jusqu’au bord du plateau, les couleurs d’automne ne sont plus aussi lumineuses. L’hiver, le vrai, est tout près, on le sent bien aujourd’hui. Le vent pousse les nuages à toute vitesse, et l’air a cette odeur particulière du haut des crêtes.

 

Je repense à la station photovoltaïque.

 

Et alors, on va le boucher ce trou ? Avec des gravats....

 

 

Pour plus de photos et d'autres précisions, voir le blog de Fred :

 

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commentaires

S
lecture tardive mais ballade tres interessante il me semble et si bien narrée !!!!!!!! les bras m'en tombent
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